Le continent africain, longtemps sous-représenté sur les cartes du monde, revendique désormais une représentation fidèle à ses véritables dimensions. À travers la campagne Correct The Map, l’Union africaine met en lumière les distorsions cartographiques qui biaisent notre perception du continent. Cette lutte ne se limite pas à un enjeu géographique, mais touche également des questions culturelles, politiques et éducatives.
Une campagne pour corriger les perceptions
Avec l’initiative Correct The Map, l’Union africaine se donne pour mission de modifier l’image que renvoient les cartes du monde sur le continent. Traditionnellement, des projections telles que la Mercator déforment la réalité en minimisant l’importance d’Afrique, en la rendant comparable à des territoires bien plus petits, comme le Groenland.
Cette distortion ne touche pas seulement la géographie, mais influence aussi les perceptions culturelles et sociopolitiques. Selma Malika Haddadi, vice-présidente de la Commission de l’UA, souligne que « cela peut sembler être une simple carte, mais en réalité, ce n’est pas le cas ». Chaque carte est le reflet d’une vision du monde et il est impératif d’adopter une projection qui souligne la véritable taille et le poids culturel d’Afrique sur la scène mondiale.
Les enjeux de la projection Equal Earth
La campagne s’appuie sur la projection Equal Earth, développée en 2018, qui offre une représentation plus proportionnelle des continents. En plaidant pour l’adoption de cette projection dans les programmes scolaires, l’Union africaine vise à installer une nouvelle norme dans l’éducation et la communication cartographique.
En utilisant Equal Earth, les institutions africaines et internationales peuvent contribuer à un rééquilibrage symbolique essentiel. Cette projection ne sert pas seulement des fins éducatives; elle accentue également la dignité et la reconnaissance du continent africain dans le contexte international.
Le poids historique des projections cartographiques
La projection Mercator, conçue au XVIᵉ siècle, est répandue à des fins de navigation maritime et a façonné notre perception du monde. Cependant, elle agrandit des territoires à proximité des pôles, tandis que les vastes terres africaines se retrouvent rabougries. Cet héritage colonial continue de marquer les esprits et les pratiques éducatives à l’échelle mondiale.
La critique de la Mercator n’est pas récente. Des géographes et des chercheurs affirment depuis des décennies qu’elle n’est pas adaptée pour évaluer les réels rapports de superficie. Pourtant, sa présence omniprésente dans les manuels scolaires et les outils numériques perpétue une vision déformée du monde, favorisant des perceptions hiérarchisées qui désavantagent l’Afrique.
Une demande inscrite dans une dynamique mondiale
La nécessité d’une correction des représentations cartographiques s’inscrit dans un mouvement plus large touchant les pays du Sud global qui aspirent à affirmer leur place sur la scène mondiale. Comme l’a souligné la Commission de la CARICOM, ce combat pour une représentation équitable concerne tous les pays qui souhaitent rompre avec une idéologie de pouvoir et de domination.
Cette dynamique s’accompagne d’une volonté de mieux représenter le continent africain, non seulement sur le plan géographique, mais aussi sur les scènes politiques et culturelles. Les appels à des réparations coloniales et à une meilleure visibilité des réalités africaines rejoignent cette revendication cartographique, marquant un tournant déterminant dans l’affirmation de la dignité africaine.
Impact éducatif et technologique de la campagne
La campagne Correct The Map vise à initier des changements tangibles dans le système éducatif africain et au-delà. Alors que la Mercator demeure la projection privilégiée dans de nombreux pays et systèmes éducatifs, il est crucial de sensibiliser les enseignants et les élèves à l’importance d’une représentation équilibrée des continents.
Mais l’impact ne se limite pas aux salles de classe. Des multinationales technologiques, comme Google, font également face à la question de la précision cartographique. Malgré les avancées, la version mobile de leurs plateformes continue d’utiliser la Mercator, ce qui entretient une vision biaisée des proportions continentales.